Justice, Média, Opinion Publique, les nouveaux maillons de la chaîne pénale !

Publié le par Pierre Aronoff

 

 

L’affaire Outreau, ou pour certains, à en lire les journaux, l’affaire Burgaud, illustre parfaitement le cocktail explosif formé par ces trois composantes.

 

Cette terrible affaire montre un dérapage criant de l’institution judiciaire dans notre pays. Le plus choquant dans cette affaire, ce n’est pas tant les fautes certainement commises par un juge d’instruction très jeune, trop jeune,  mais bel est bien le dysfonctionnement de contre pouvoirs pourtant existant, qui auraient dû éviter un tel fiasco. En effet, comme vous le savez, le juge d’instruction mène son instruction dans un cadre fixé, déterminé par le réquisitoire introductif du Procureur de la République,  le Juge des libertés décide de la mise en détention provisoire, la chambre d’instruction composée de trois magistrats expérimentés examine la régularité de l’instruction… Ce désastre judicaire ne doit pas se conclure uniquement par la probable révocation du juge Burgaud, qui, certes, il est vrai, se comporte comme un coupable parfait, droit sous sa robe, raide comme la justice, refusant toutes sortes d’excuses… L’affaire d’Outreau ne doit pas rester au fond d’un tiroir mais doit être l’occasion pour les politiques de mener une vraie réflexion courageuse et profonde de notre système judicaire…

 

            Les racines du mal, n’est ce pas des juges d’instruction beaucoup trop jeunes. A 25 ans en sortant de l’ENM disposent-ils d’une formation suffisante ? Si bien entendu juridiquement, ils sont très performants, la fonction de juge ne nécessite-elle pas une expérience approfondie ? On pourrait imaginer que cette fonction ne soit ouverte qu’à partir d’un certain nombre d’années ; que la norme soit des instructions menées par deux juges et que l’exception soit un juge d’instruction pour les affaires « simples »

 

            Une réforme de la « carte judiciaire » me semble être une des solutions. Pensez qu’une affaire d’une  importance telle que l’affaire d’Outreau peut être aussi bien instruite à Boulogne sur Mer qu’a Paris en raison de sa localisation… Si mon propos n’est pas  de dire qu’il existe des magistrats plus avisés à Paris qu’en province, on pourrait peut-être créer des pôles de compétences en fonction de la nature des affaires…

 

            Dans ce drame humain, je suis convaincu que les médias ont leur part de responsabilité. Les médias deviennent de plus en plus un vrai pouvoir, et pourtant il me semble que le fossé ne cesse de se creuser entre leur pouvoir et la conscience réelle de leur responsabilité. Les médias ne peuvent pas nier leur responsabilité. A l’époque de l’instruction, ils ont créé un climat d’extrême médiatisation. Souvenez vous de la une des journaux : la tour de la honte, des notables pédophiles prostituaient leurs enfants… Les médias sont en train de passer d’informateurs critiques et distancés à des metteurs en scène. Lors de l’audition du juge d’instruction, ils ont récidivé. En effet la diffusion sur les chaînes de télé ne relevait pas de l’information démocratique mais plus d’un loft story justice. Là encore, les médias ont pris un risque non responsable que le juge ne dise rien devant des millions de téléspectateurs et de fait, il n’a rien dit

 

            L’opinion publique joue un rôle déterminant. A mon avis les magistrats sont plus à même que les politiques à résister à la pression des français. Le pouvoir politique est souvent influencé par la versatilité de l’opinion. Il est normal que le politique essaie au maximum de répondre aux aspirations des français. Cependant,  en matière de justice, il doit être le garant intransigeant des principes fondant notre système, il doit aussi respecter impérativement la séparation des pouvoirs… L’opinion publique  partagée au gré du temps entre la détention provisoire comme principe ou comme exception. L’homme public doit, quant à lui, garantir la présomption d’innocence et ne doit pas, par voie de presse, s’insurger d’une mise en liberté d’un criminel récidivant trois jours après sa sortie de prison. Il ne faut pas jeter l’opprobre sur des magistrats bouches de la loi votée par le Parlement.

 

 Si un vrai débat doit avoir lieu sur les délicates questions de la détention provisoire, les remises de peines, les remises en libertés conditionnelles, la récidive, de la responsabilité des magistrats… ce débat doit être mené de manière sereine sans opposition mais en collaboration entre les magistrats et le pouvoir politique.

Pierre Aronoff

 

Publié dans Politiquement Jeunes

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Y
Je vous invite tous à naviguer sur ce nouveau site: http://sosfacsbloquees.hautetfort.com/<br /> Aidez ce nouveau collectif pourque tous les étudiants puissenr se rendre en cours.
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A
J'ai hate qu'il sorte le prochain Chiffon. C'est super bien comme canard. En plus j'ai entendu dire que le numéro 13 était un bon cru!<br />  
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